Je chaussai rapidement mes baskets.
- Attends, Nelson !
Je ne prêtai aucunement attention aux suppliques de mon père. Il se tenait devant la porte d’entrée, comme s’il croyait pouvoir m’empêcher de passer.
- Nelson, calme-toi, bon sang !
Je lui jetai un regard noir en guise de réponse alors que je sortais ma veste de l’armoire. Derrière moi, Delphine se tenait la joue, hébétée. Faut croire que j’ai une sacrée droite. Mon père voulut m’attraper par l’épaule, mais je me dégageai.
- Ne me touche pas ! hurlai-je. Fais ce que tu veux avec ta pute !
Je claquai la porte derrière moi. Aussitôt dans la rue, je me mis à courir. Courir loin, le plus loin possible. Loin de cette pétasse, loin de ce salaud ! Je ne veux plus le voir ! Mon père me dégoûte…
Sans m’en rendre compte, j’avais atterri dans le parc de jeux. Epuisé, les jambes sciées, je me traînai jusqu’au panier de basket où je vins m’effondrer. Je respirai avec difficulté, ma course ayant été plutôt intense.
Mon regard erra sur le parc désert. La première fois que Delphine avait débarqué à la maison, au bras de mon père, je m’étais enfui ici aussi. J’avais déjà entendu des rumeurs sur elle et la voir chez moi m’avait vraiment choqué. Puis ses visites se sont répétées encore et encore…
Et ma vie était devenue un véritable enfer…
C’était sur ce terrain que j’avais rencontré Jacobs pour la première fois. Il faisait des paniers tout seul, n’en ratait aucun, à croire qu’il contrôlait la balle à distance tant ses tirs frisaient la perfection. Il m’avait fixé un moment, sûrement surpris par la loque humaine que j’étais. Puis il m’avait lancé le ballon.
On s’était recroisé au collège, dans les toilettes. Il m’avait alors proposé de l’accompagner pour jouer à la sortie des cours. J’avais accepté et, depuis, on se faisait régulièrement des petits matchs, mais j’étais loin de l’égaler. Puis notre amitié avait grandi en même temps que nous. On s’était mis à partager toutes sortes de choses, à s’inviter l’un chez l’autre, à faire nos devoirs ensemble, à échanger nos DVD et nos jeux vidéo. En soi, on ne se connaît pas depuis super longtemps, mais j’ai parfois l’impression que des siècles se sont écoulés depuis notre première rencontre.
Je me recroquevillai sur moi-même. Je me trouvai lamentable, une vraie fillette. Mais j’avais toujours réagi excessivement. La première fois, c’était au divorce de mes parents. Mon père venait de perdre son boulot et avait voulu profiter de l’occasion pour changer de vie et lancer dans sa propre boîte. Ma mère n’avait pas supporté. J’étais tout jeune, mais je me souviens d’avoir piqué la crise du siècle. Ce qui n’a pas empêché mes parents de se quitter. Depuis, je ne vois ma mère que deux fois par an, aux grandes vacances et à Noël. Bah, je ne m’en plains pas plus que ça, je n’ai pas vraiment d’affinité avec elle. Je pense qu’elle me trouve débile…
- Mais qu’est-ce que tu fous ?
Je redressai vivement la tête, surpris par l’interpellation. Je tombai nez à nez avec Jacobs. Une odeur sucrée flottait autour de lui. Il devait revenir de chez la fameuse Tina Oman, une vieille amie à lui, apparemment. Il fronça les sourcils.
- OK… Delphine ?
P’tain, ce type est perspicace… Je me contentai de hocher la tête. Je le vis soupirer et se redresser. Il ouvrit son sac à dos et en tira alors un ballon de basket. Pourquoi il l’avait avec lui ?
- J’avais prévu de me faire quelques tirs. Tu te joins à moi ?
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