---------------------
Avertissements : Cette nouvelle aborde la perte et la mort ainsi que la mélancolie qui y est rattachée (c'est pas la joie quoi). Ne la lisez pas si vous n'avez pas le moral et/ou si vous n'êtes pas à l'aise avec ces thématiques. Merci !
---------------------
Allongée dans le lit, même la chaleur des draps ne parvenait plus à empêcher son corps de refroidir progressivement.
Depuis quelques jours, elle savait qu'elle ne survivrait pas à cette nouvelle épreuve que la vie lui avait envoyée. Dans les yeux désespérément humides de sa compagne à son chevet, elle revoyait ses jeunes années avec un mélange de douce mélancolie et de d'amère tristesse.
Elle pensa à sa famille qui l'avait chérie dans son enfance, qu'elle avait abandonnée par fierté pour intégrer un groupe de mercenaire et que, par honte, elle n'avait pas osé revoir par la suite. Une once de remords vint l'étreindre quand elle réalisa à nouveau que, par sa bêtise, elle avait définitivement perdu l'occasion de pouvoir les enlacer encore ou même de simplement de pouvoir leur parler. Elle se doutait que ses parents étaient partis, mais de sa fratrie, elle ignorait si elle serait la première à s'éteindre.
Une larme coula timidement sur la joue de sa compagne, comme si, s'excusant d'être apparue, elle tentait vainement de cacher sa présence dans une rapide et douloureuse course.
La mourante eut un léger sourire alors qu'elle quittait les yeux de sa compagne pour examiner son visage comme elle le faisait de plus en plus ces derniers temps. Si elle avait pris de l'âge et se trouvait au seuil du trépas, sa compagne, elle, n'avait que peu vieillie, bien qu'elle ait tenté d'altérer légèrement son apparence pour lui donner cette impression. Elle avait conservé ses traits les plus fins et gardé le même enthousiasme insatiable qu'à leur rencontre. A nouveau, elle se demanda comment une femme aussi incroyable avait pu rester avec quelqu'un d'aussi âgée qu'elle, et une légère peine vint à nouveau l'enserrer.
Pour elle, la vie d'une simple humaine ne devait représenter qu'un court instant dans sa longue vie. D'ordinaire, les mages comme elle, doté d'une longévité considérable, traversaient les siècles sans se soucier des morts qui jalonnaient leur existence. Ils évitaient le contact trop rapproché des individus, sachant la douleur des séparations. Pourtant, sa compagne, sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi, avait fait une exception pour elle et déviée sa route de sa parfaite trajectoire pour emprunter un détour bien plus tortueux.
Elle savait qu'avec elle, la mage avait connue des joies comme des peines inégalées jusqu'alors. Cependant, elle ne lui avait jamais reprocher ce détour dans sa vie. Elle avait senti pourtant la douleur que la vue de son corps vieillissant lui infligeait toujours plus chaque jour, les remettants toutes deux faces à l'incompatibilité de leurs existences, qu'elles avaient cru vainement déjouer dans l'insouciance de leur amour.
Mais après ce court interlude, que ferait-elle ? La question hantait la vieille femme tant aucune réponse ne la satisfaisait. Retournerait-elle sur la route de l'isolement ou reprendrait-elle un nouveau détour avec une personne différente ?
Elle aurait préféré ne pas y penser. Pourtant la seule réponse, qui restait inexorablement la même, ne faisait que tambouriner impitoyablement dans son esprit. Elle prendrait sans doute le chemin de l'isolement dans un premier temps et, après avoir permis à son esprit d'oublier son existence dans une lente agonie, elle prendrait un détour à nouveau.
La mourante maudissait cette fatalité et son impuissance à la modifier. Elle pestait contre son existence ridicule et sa disparition prochaine. Elle voulait vivre encore. Elle voulait égoïstement garder cette femme sur sa route, refusant de lui permettre d'en croiser une autre. Elle aurait voulu hurler sa rage et faire promettre à sa compagne une fidélité éternelle. Et même si son esprit, dans une satisfaction coupable, voulait lui réclamer cette impossible loyauté, ses lèvres n'osaient pas prononcer ces mots.
Elle détestait savoir que ce n'était pas par pure bonté qu'elle refusait de lui demander de s'enfermer dans un tourment sempiternel. Mais simplement par la peur de décevoir sa compagne par son égoïsme abject. Elle se refusait à la quitter en lui ayant donné cette dernière image d'elle.
Alors, en riant à sa propre lâcheté, et enfermant comme souvent ses griefs en elle, ses lèvres n'exprimèrent que de tendres de mots de réconfort. Mais ses yeux, humides à son tour, venait trahir sa peine immense alors qu'elle sentait son corps faiblir à nouveau.
Elle replongea les yeux dans ceux de sa compagne pour un dernier voyage dans ce qui fut sa vie. Bientôt ses pensées cesseraient d'exister, son histoire telle qu'elle l'avait vécue et ses souvenirs disparaîtraient en un instant. Plus aucune sensation ne viendrait la toucher et ses inquiétudes les plus douloureuses, qui ne cessaient de l'assaillir à cet instant, ne seraient plus rien.
Elle savait que c'était futile et que bientôt, plus rien ne lui importerait.
Pourtant elle aurait voulu crier, pour vivre encore.
Comments (0)
See all