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SÖREN - Remaolus [fr]

Chapitre 3 - 1/2

Chapitre 3 - 1/2

Sep 09, 2019

Mon premier cauchemar remonte à la nuit ayant suivi la Vague. Bien différent de ceux qui s’imposent à moi aujourd’hui, il s’approche plus du délire que du souvenir. Dans ce rêve, je cours dans un décor sombre, mouvant, sans forme. Un mélange psychédélique de silhouettes aux yeux noirs et démesurés me poursuivent. Elles hurlent, s’agitent et s’entre-tuent. Je fuis dans un bois parsemé de maisonnettes en feu. Je trébuche, en larmes, tente d’appeler à l’aide ou de trouver une cachette. Je finis par m’engouffrer dans la seule maison épargnée par les flammes. La lumière manque, je tâtonne dans le noir dans l’espoir de trouver quelque chose d’utile. J’entre dans une toute petite pièce éclairée par une vieille lampe à pétrole. Rassuré par la lueur de la flamme, je cesse de pleurer et l’attrape avant de continuer mon exploration. Je cherche quelque chose, sans savoir quoi. Des hurlements stridents fendent l’air quand j’entre dans une pièce circulaire. Je glisse sur une flaque de sang et tombe sur un tas de corps. Ma lanterne se brise au sol et enflamme instantanément la maison. Paniqué, je tente de me relever et aperçois les visages de mes parents dans l’amoncellement de cadavres. Je suis réveillé par mes propres cris.
La nuit où ils sont morts, je n’ai pas tout de suite été confronté à leurs corps. Je les pensais vivants, comme ma sœur. Après nous avoir sauvés, l’armée nous a déposés dans un hôpital. Marte était grièvement bles­sée et devait subir une intervention d’urgence. Je ne pouvais pas rester avec elle, je me suis donc retrouvé seul dans une petite chambre sans fenêtre ni horloge, à attendre d’avoir des nouvelles de ma famille. J’espérais l’impossible, j’espérais revoir mes parents. Je suis resté dans cette pièce grise et haute de plafond à ressasser les derniers événements encore et encore. J’étais absent, renfermé, perdu. Assis sur ce petit lit dur comme de la pierre, je devais faire un effort considérable pour ne pas paniquer à chaque fois qu’on ouvrait la porte. Je n’arri­vais pas à rester concentré assez longtemps pour voir les infirmières déposer mes plateaux repas. J’ai finalement sombré dans un sommeil agité et subi mon premier cauchemar. Mes hurlements ont alerté ceux qui me gardaient. Une demi-douzaine de personnes en blouse est entrées dans la pièce et a tenté de me raisonner, en vain. Je hurlais, me débattais, appelais à l’aide. Ils ont été contraints de m’endormir. À mon réveil, un médecin m’a informé que ma sœur s’en sortirait, mais qu’elle garderait des séquelles. Quand j’ai demandé pour mes parents, il m’a annoncé leur mort sans la moindre compassion. Il aurait très bien pu me donner l’heure ou me parler de la météo, le ton aurait été le même. Mais peu m’importait, je ne voulais pas rester sur l’image du tas de cadavres que m’avait imposé mon subconscient. Je devais les voir de mes propres yeux.
Il est difficile de se rendre compte de la cruauté des possédés tant que l’on ne s’y retrouve pas confronté. Les contaminés sont friands de torture, la mort de leur victime ne les empêche pas de continuer à mutiler le corps. Peu de personnes se remettent de la vision d’un proche passé entre les mains de ces monstres, et je ne fais pas exception. Ce que j’ai ressenti au moment où le médecin a retiré le drap de ce qu’il restait de mes parents, je ne m’en remettrai jamais. Si aujourd’hui je ne rends plus mon repas quand je vois ce genre de chose, mon dégoût, lui, est toujours présent.

Toute mon attention est portée sur le cadavre étendu sur la table du quartier général. Lacéré, brisé, les yeux crevés et la moitié des dents arrachées, je peine à reconnaître Matthew. Sa mâchoire déboîtée, presque arrachée, semble à deux doigts de tomber. Ses joues et sa langue ont disparu. Une partie de son bras droit est manquante et son torse est presque ouvert. Aucun de ses membres ne semble se trouver dans son axe naturel. Il ressemble à une marionnette désarticulée, maculée de sang.

« Où l’a-t-on retrouvé ? Demande Kayetan.
- Dans une ruelle, je réponds machinalement, à proxi­mité de la Grande Place. »

Il a été découvert peu de temps après mon... intuition. Le hurlement du Kreel qui a eu la malchance de tomber dessus s’est entendu dans tout le village, et cela malgré la fête. Je me suis précipité sur les lieux pendant que Tahekii faisait évacuer la Grande Place. Dans la ruelle sombre et étroite gisait Matthew. Un pauvre villageois – accroupi contre un mur – se balançait d’avant en arrière. Paniqué au dernier degré, sa tête entre ses mains, il murmurait quelque chose que je ne pouvais pas entendre. Pensant pouvoir en tirer des indices sur l’agresseur, je m’en suis approché.

« Il est triste ! Pleurait-il, si triste ! Si triste !
- Qui ? Ai-je demandé, qui est triste ? »

Secoué par un violent sanglot, il ne m’a pas répondu. J’ai eu un haut le cœur quand j’ai compris qu’il parlait de Matthew.

« Il est triste ! Répétait le Kreel de plus en plus fort. Il est triste et en colère ! Il ne comprend pas ! Il se sent trahi ! Il est triste ! Si triste ! »

Il ne m’en a pas fallu plus pour me retrouver auprès du soldat. Il s’est mis à bouger quand il m’a entendu l’appeler. Il baignait dans son sang, tremblait et agitait sa main restante. Je ne savais pas quoi faire, je l’ai saisie sans réfléchir et me suis mis à lui parler. J’essayais de le rassurer pendant que je cherchais mon communicateur. Les sons émis par les vestiges de sa gorge m’arrachaient des frissons. Je savais pertinemment qu’il était condamné, mais je ne parvenais plus à aligner correctement mes pensées. Le temps que j’appelle à l’aide, il était mort. Je n’ai pas entendu l’équipe médicale arri­ver, mes yeux ne quittaient plus le visage incomplet de Matthew. L’image s’est gravée dans ma rétine. Je crois que je suis entré en état de choc, hanté par les orbites ravagées de son cadavre. Quand je suis revenu à moi, je me trouvais au campement.

Aucun de nous ne veut croire que la présence d’un possédé ait pu nous échapper. Pourtant les faits sont là : l’un de nous est mort. Notre devoir ici était d’empêcher ce genre de drame d’arriver, pas de prendre du bon temps. Pour faire simple, nous avons échoué.

« Nous connaissons ces stigmates, dit Pam d’une voix étranglée, mais sans légiste, on ne peut pas confirmer qu’il s’agisse réellement de... de l’œuvre d’un possédé.
- Il n’y a pas de légiste dans votre escouade ? S’indigne Carter
- Il est sur la table. » je réponds.

Je serre les poings, je sens la colère remonter. Elle ne se dirige pas contre le remaolus cette fois, mais contre moi et ma naïveté. Je suis un idiot. Je me suis projeté avant d’avoir terminé ma mission. Comment ai-je pu être aussi stupide ? Comment ai-je pu croire que je pourrais me sortir de cette vie ? La mort de Matthew me rappelle à l’ordre. J’ai été égoïste de penser à me retirer. Je sais pourquoi je fais tout ça. Pourquoi j’extermine ces monstres. Pourquoi j’ai fait une croix sur une vie simple. Empêcher la mort d’innocents est ce qui me motive à continuer sur cette voie.

« Protocole habituel, finit par annoncer Nora, exécution de l’ordre 17. Mise en place d’une quarantaine. On trie et sauve la population. »

D’un mouvement de tête, l’escouade acquiesce et, en un rien de temps, nous redevenons des soldats. L’heure n’est plus aux réjouissances, il est temps de faire ce pour quoi nous sommes là.

Le lendemain, plusieurs véhicules du S.R.A sont dépêchés tout autour de Pyr et des barrières sont installées. Les hommes de Carter viennent en renfort le temps que l’EPP nous envoie une escouade de soutien. Les villageois sont listés et divisés par trentaines afin de prévenir tout risque de contagion à grande échelle. Aucun Kreel n’est autorisé à sortir de Pyr sous peine d’être abattu sans sommation. Le village est divisé en plusieurs quartiers de manière à ne pas séparer les familles. Bien que tendus, ils sont tous très coopératifs. L’équipe médicale du S.R.A effectue des examens oculaires auprès d’eux, les yeux noirs des possédés étant le seul indice de la présence du R-001 dans l’organisme. Malheureusement, il n’est visible qu’à son dernier stade.
Le remaolus, sous sa forme maligne, est une saloperie qui agit en trois stades. Quand un Kreel est touché par un possédé, ses chances de devenir porteur malin sont de 97%, celles de devenir porteur bénin sont de 1,8%, celles d’y échapper sont de 1%, celles de tout simplement être immunisé sont de 0,2%. La période d’incubation de la forme maligne est de 2 à 25 jours. Au stade 1, le parasite est indétectable et non-contagieux, l’hôte lui-même ne peut pas savoir. S’ensuit le stade 2 : le parasite tue cérébralement l’hôte afin de prendre le contrôle du corps. Ce processus prend une trentaine de secondes, parfois moins. Quand nous surveillons un groupe de Kreels, ce moment est décisif. Nous devons déterminer s’il s’agit du remaolus ou d’un simple malaise. Notre fenêtre d’action étant limitée, nous agissons donc en fonction des risques de contamination immédiats. Si nous manquons de rapidité ou de vigilance, le parasite passe au stade 3 et devient contagieux.
Le stade 3 est le plus dangereux de tous. Les possédés sont de véritables monstres à l’épreuve des balles. Leur vitesse, leur force et leur bestialité sont surdéveloppées. Ils peuvent broyer des os à mains nues, déchirer la chair avec leurs dents et courir à des vitesses folles. Un seul d’entre eux peut venir à bout d’une dizaine d’hommes. Mais leur but est bien évidemment de parasiter le plus de Kreels possible et de massacrer les Svanns. Ils torturent leurs victimes, jouent avec, les violent, les dévorent et les séquestrent dans le but de se faire des “réserves’’. Ils n’épargnent personne. Intelligents, ils peuvent se fondre dans la population. Au fil des années, le mimétisme est devenu leur spécialité, si bien qu’ils ont développé d’habiles méthodes pour dissimuler leurs yeux.
Nous avons été amenés à dénicher des contaminés au sein de populations plus denses que celle de Pyr. Et maintenant que leur présence est avérée, notre vigilance est maximale. Nous savons qu’il y a au moins un individu au sein du village, mais le nombre de contaminés au stade 1 reste à déterminer. Nous devrons surveiller les villageois, trouver le ou les possédés, empêcher les groupes de se mélanger et abattre les Kreels montrant des signes de passage au stade 2, tout en nous assurant de leur bien-être.

« Combien de temps cela va durer ? nous demande Tahekii.
- Une fois que le possédé sera débusqué et abattu, nous surveillerons le village pendant encore un mois afin de nous assurer qu’aucun villageois n’est porteur. » répond Kayetan.

Le visage de Tahekii est marqué par la fatigue. Je peux lire de l’incompréhension dans ses yeux, j’en ai mal au cœur. Elle cherche mon regard, je détourne la tête. Je ne veux pas lui parler, je n’en ai pas la force. Le cadavre de Matthew a réveillé ma haine du remaolus, mais aussi ma peur des Kreels. Tout est encore trop frais, je ne suis pas encore assez fort pour mettre mes ressentiments de côté. Un Kreel n’est qu’un potentiel contaminé. C’est tout ce que mon esprit me répète.

« Ne vous en faites pas, reprend Kayetan en posant sa main sur l’épaule de la chef kreel, nous faisons ça depuis longtemps. On va faire en sorte que vous retrouviez une vie tranquille.
- Tu es quelqu’un de bien, lui répond-elle en souriant, nous ferons le nécessaire de notre côté pour vous faciliter la tâche. »

Après nous avoir remerciés, elle prend la direction d’un groupe de Kreels. Tahekii est la seule à pouvoir se promener librement d’un quartier à l’autre. Pour maintenir l’esprit de cohésion, elle doit rester présente auprès de tous les villageois. Elle est accompagnée de Cora, pour sa protection.

« Tu l’apprécies ? me demande Kayetan en désignant Tahekii.
- Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?
- Parce que tu réagis comme un gosse trop fier pour avouer son béguin. »

Il me regarde avec un sourire en coin, trop heureux d’avoir un potin à raconter aux copains. Oui, je trouve Tahekii attirante. Sa sérénité m’apaise, elle est intelligente et j’aime parler avec elle. L’idée d’approfondir ce lien naissant ne me déplaisait pas et, à vrai dire, je l’envisageais. Amicalement, romantiquement ou ­platoniquement, qu’importe. J’ai eu envie de la connaître. Mais ça n’est plus le cas, un poids m’en empêche. Il s’est installé dans mon esprit à partir du moment où j’ai trouvé Matthew dans cette ruelle.
Ma réponse retire le sourire du visage de Kayetan.

« Je vais peut-être devoir la tuer. »

dunklayth
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