11 h 39
Devant la bibliothèque de Vil de Ville, une citoyenne monte les escaliers avec une cadence lente et réfléchie. Sa démarche prend par mégarde nos trois policiers de tout à l’heure.
Ses cheveux longs ondulés rappellent des herbes fines et abondantes. Son chandail jaune pâle sans manche donne un air décontracté qui s’agence bien avec sa robe d’un vert lime.
Elle est rafraîchissante par sa présence. Malgré ses talons hauts, une élégance et confiance en soi parait dans son déplacement.
Les trois policiers la regardent avec un air un peu perdu. Ils ne s’attendaient pas à ce qu’une femme aussi belle se présente devant cette bibliothèque. La directrice leur a strictement ordonné de ne plus laisser personne entrer, maintenant que son staff était présent pour s’occuper du gâchis.
Le bavard reprend la conversation. Il fait de son mieux pour ne pas laisser le charme incontrôlé de la demoiselle le distraire de son travail.
« Bonjour, quelle est la raison de votre visite ? » Demande le policier d’un ton sérieux.
« Et bien, en fait… Je suis venu ici un peu par curiosité. Connaissez-vous une Tanya… McKenzie ? Excuse-moi, je ne suis pas sur si c’est ça son vrai nom ».
La demoiselle laisse un petit rire nerveux sortir de son corps. Sa façon de parler brise l’image que son caractère soigné a créé il y a un instant.
Sa voix manque de pudeur, enlaçante. Lorsque les policiers prennent le temps de regarder dans la direction de la jeune demoiselle, ces yeux d’un mauve cristal rappellent les étoiles dans une nuit sans lumières.
Les policiers ne se rendent pas compte à quel point ils sont en transe face à cet être supérieur de l’espèce humaine.
« Vous-Vous n’êtes pas obligé de vous excusez ma très chère-heu je veux dire mademoiselle ! », rassure le policier bavard, pendant que les deux autres sont pratiquement prêts à nettoyer les talons hauts de la femme fatale.
Elle finit par rire encore un peu, toujours aussi nerveuse.
* * *
11 h 43
Dans son bureau, Tayla regarde les notes que Clark lui a laissées.
Elle n’a pas encore appelé Geneviève, insécure. Elle fait face à ce qu’elle considère comme étant un coup bas d’un ennemi rusé. Une pauvre employée ne doit pas l’aider à démystifier qui est responsable.
Rendue intranquille, Tayla en profite pour prendre les notes avec elle et les ranger dans un cartable qu’elle dépose dans un sac.
En ouvrant la porte de son bureau, elle aperçoit au beau milieu du couloir un des trois policiers honteux, qui est supposé garder l’entrée interdite de Vil de Ville, se balader avec une femme.
Cette femme interagit avec deux autres employés qui pointent vers Tayla d’un air égaré. Tayla et la demoiselle aux cheveux verts entrent en contact. Elle semble désorientée, comme si elle s’était trompée d’endroit. Un véritable touriste.
Tayla tremble.
Tout son corps veut se contracter et boiter dans une direction opposée.
Tayla se rend bien compte de la personne qui est devant elle.
Elle est terrorisée au point de vouloir se jeter dans le purgatoire.
Avant que Tayla puisse dire quoi que ce soit, la jeune demoiselle s’approche d’elle d’un pas un peu plus rapide, au point qu’elle faillit se trébucher sur un rien décisif. Elle se redresse avec maladresse devant la directrice.
Cette dernière se rend bien compte que quelque chose ne tourne pas rond. C’est la couleur de ses yeux, un mauve cosmique, qui fait seconder le jugement de Tayla. Peut-être que c’est juste un figement de son imagination.
« Bonjour madame ! Et bien, en fait, j’étais curieuse d’en apprendre sur vous ! Mon nom est Riana ! »
Elle vient pour serrer la main de la directrice. Son sourire délicat rempli d’embarras la rend charmante. Tayla comprend pourquoi les hommes sont un peu pris aux trousses de cette nouvelle venue.
« Oh, je vois. Enchantée. »
Elle serre délicatement la main de la dame. Riana est surprise et ne manque pas de le démontrer. Les employés aussi, alors qu’un groupe de six, incluant Clark et Geneviève, se présente pour regarder cette scène intrigante.
Hommes, femmes, mêmes enfants parfois, se font piétiner dessus par le caractère infâme de Tayla McKenzie. Pourtant, cette gentille fanatique, remplie de courtoisie, a réussi à s’hypnotiser un parcours jusqu’à l’impératrice de Vil de Ville, au point de forcer une main tendre de sa part.
« Ça doit faire bizarre d’être dans un endroit comme celui-ci. Est-ce que j’atteins vos attentes, Riana ? », demande Tayla.
« Ah. » Il y a une hésitation, comme si Riana ne voulait pas blesser par ses propos. « Je dirais que oui. Bien que… j’ai tellement entendu à propos de votre attitude péremptoire. Votre comportement en ce moment me paraît peu naturelle. », avoue la jeune femme.
Geneviève écoute cette conversation avec une attention mi-captivée.
Effectivement, Tayla est respectueuse d’une personne qui brise carrément les règles, dans un moment aussi crucial que celui-là.
Qu’est-ce que la directrice veut signifier par « Ça doit faire bizarre d’être dans un endroit comme celui-ci » ?
Une distraction empêche Geneviève de s’immerger dans cette conversation : putain de Clark Deschaines à la con qui rougit comme une tomate en train de pourrir.
Clark ne comprend pas vraiment ce qui se passe. C’est peut-être les cheveux colorés. Ça doit surement être l’attitude anodine de la demoiselle. La tenue vestimentaire est sexy et ajoute de l’attirance certes, mais ce n’est pas osé au point d’en perdre la vertu.
Clark ne peut pas arrêter son cœur de battre la chamade ! Il se sent comme dans un carrousel, transporté contre son gré dans des palpitations de folie, les roses des champs et les montagnes dans son arrière-plan imaginaire avec des arbres partout ! Le soleil levé vers les cieux d’un bleu resplendissant !
Tout ça pour dire que Clark a attrapé le coup de foudre.
Geneviève est à deux doigts de lui foutre son coup de foudre dans le cul.
« Bon aller tout le monde, on retourne au travail ! Je vous rappelle qu’on rouvre vers 13 h, donc on retourne calmement à son poste s’il vous plaît ! », reprend Tayla.
Geneviève essaie tant mieux que mal de sortir Clark de sa bulle de pétales de roses. Elle est pratiquement en train de le pousser de toutes ses forces vers la salle de recherche.
« Clark, est-ce qu’on peut aller retourner au travail, pour l’amour du ciel !? », supplie Geneviève, avec désespérance.
« L’amour du ciel ? », sort Clark de sa frénésie.
Il prend une gigantesque respiration. Alors que les autres rassemblés sont déjà partis, Geneviève et Tayla observent le jeune homme en train de rassembler toute sa testostérone intérieure, les deux femmes qui travaillent un peu inquiètes.
Puis, Clark décide de faire ce qui lui fait le plus peur. Après tout, il a reçu un cadeau des cieux. Il ne peut pas se permettre de laisser l’occasion se précipiter là où tant d’autres ont probablement échoué.
Il approche avec la férocité d’un lion qui sent un intrus sur son territoire.
Les griffes sont sorties
L’animal est en pleine fonction.
Clark va demander à cette pauvre inconnue de sortir avec lui.

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