23 mai — 22 h 58

Athomas continue sa course sur les toits, tout en s’assurant de rester caché le plus possible en se faufilant au travers des ruelles.

Il trouve une corde à linge avec plusieurs pièces de vêtements qui doivent sentir mieux que son hoodie crasse qu’il porte depuis quelques jours. Il prend le temps de voler un chandail noir ainsi qu’un veston d’un rouge teinté de jaune et retourne sur les toits, en espérant ne pas se faire repérer par un civil. 

La police a augmenté en intensité depuis les cinq dernières minutes. Richard a dû appeler des renforts pour capturer la proie qu’est devenu Athomas. 

Quel gâchis !

Athomas ferme les yeux et respire profondément, désolée.

« Combien de mana me reste-t-il ? »

Un écran apparaît qui indique une information problématique pour le reste du parcours.

[MP : 22/100]

Même après quelques heures de repos, ça ne montera que d’une trentaine de pour cent. Les chances qu’il puisse se sauver après sa mission sont minimes.

Athomas a passé la dernière semaine à se promener clandestinement dans les environs d’Atmos pour récupérer de l’information capitale sur les décisions du gouvernement. Son contracteur excentrique lui a promis un grand plan de revanche contre le pays pour la façon dont la découverte de ses pouvoirs lui a coûté au niveau sociétal.

L’ancien journaliste de Thermosville a tout perdu. 

Sa maison, sa femme, ses enfants. 

Lorsque le système s’est manifesté en lui, il n’a pu s’empêcher d’être curieux et de tester les limites de cet réalité insensée. Athomas voyait un avenir où être une « mutation » pouvait bien paraître et donner accès à une panoplie d’opportunités pour sa famille.

Sang-sure est apparu pour la première fois il y a trois semaines. Cette créature a eu l’effet d’une bombe à retardement qui éclata sur son mariage, déjà dans une tension éprouvante.

Le reste est parti en un claquement de doigts. Son seul prix de consolation fut que des plaintes, poursuites et demandes d’arrestations contre lui sont très vite tombées à l’eau… trop vite.

Ce fut la première fois qu’Athomas comprit que quelque chose ne tournait pas rond.

Depuis, son contracteur lui a fait voir une véritable catastrophe, que quelqu’un ou quelque chose possède le pouvoir de mettre un silence offusquant sur toutes mentions des mutations dans l’échelle globale d’Atmos.

Il n’était jamais question d’un réseau souterrain ou d’une fuite hors du pays. 

Les informations qui détiennent la vérité sont ahurissantes. Athomas a un point de rendez-vous spécifique, une ruelle en particulier, où il doit laisser une clé USB qui traîne dans sa poche de pantalon.

Soudainement, un bruit terrifiant joue en orchestre derrière lui. Du métal qui s’écrase de plein fouet sur l’un des toits avoisinant le sien. Athomas se lève doucement.

Il aperçoit avec stupeur une machine bipède, clairement inhumaine. Ce spécimen artificiel dépasse Athomas de deux têtes. Imposante est la première chose que l’ancien journaliste pourrait utiliser qui lui vient à l’esprit pour décrire cet amalgame de différents matériaux.

Tout sur cette machine semble tranchant, rudimentaire. Un trou sur son plexus, là où un cœur serait positionné, est rempli d’une lumière orange intense. Athomas recule. Ça ne peut pas être du gouvernement d’Atmos. 

Il y a travaillé pendant longtemps, il sait quel genre de cochonnerie le gouvernement possède en termes de technologie. C’est autre chose.

Toutes informations sur le gouvernement stipulent un désir de contrôler les mutations, mais un manque d’autonomie face à qui doit se charger de les capturer, un fait si secret que même la police n’aurait pas été mise au courant. Peu de cadres d’ailleurs seraient à l’afflux des avancées de la machinerie post-contemporaine qui bâtirait un monstre comme celui-ci.

Elle marche sans remords et observe sa proie avec deux autres lumières orangées entourées de néant sur une surface qui devrait être son visage.

Les scientifiques derrière cette machine ne peuvent être que les responsables des événements récents des dernières années, sans aucun doute.

« Athomas Killian », crie la machine d’une voix imposante et sans émotion, « Nous te cherchons depuis longtemps. »

« Ah-Ah ouais ? Dommage, mais je ne suis pas d’humeur pour la visite ». Pour sa mission, pour toute la misère qu’il a subie et qu’il s’est donnée pour faire partir cette clé USB vers sa destination, Athomas veut paraître féroce, costaud, sans scrupule et sans crainte et prêts à vaincre tout obstacle sur son passage.

Mais ce robot lui fout la chair de poule.

Peu importe quel instrument imite les cordes vocales, cela produit un son grave et strident, anormal. La machine continue sa marche, décidée.

[Attention : Ennemie dangereux détectée.]

Athomas est bouleversé, voire même insulté. C’est la première fois que le système lui sort un avertissement pareil.

Le message est doublement clair quand, hors de nulle part, le robot lance un coup de poing qui traverse l’air et atteint la mâchoire d’Athomas. L’impact est tellement fort que le fugitif revole à plusieurs mètres plus loin. Athomas s’écrase sur un mur et pousse un cri de douleur qui accompagne le résultat de cette attaque soudaine.

Le robot accélère la cadence et se met à courir vers le pourchassé.

[Sang-sure — crachoir du cœur : activé]

Instinctivement, Athomas crache un amas de sang à sa gauche, avant d’esquiver à sa droite, et de justesse, un autre coup de poing qui brise le mur.

Athomas, encore une fois par manque de pensée, réfléchie, pensait garder une distances de la machine et utiliser le crachat de sang pour se téléporter et s’enfuir par l’entremise d’une ruelle.

Un son provient du robot, alors qu’il vibre d’une force à faire trembler le sol. Une sorte de lumière se dégage ses jambes. Des moteurs apparaissent sur ses mollets d’aciers.

« Tu ne peux pas t’échapper », annonce l’anomalie avec sa voix désencombrant et atroce.

En une demi-seconde, cet engin de destruction traverse la distance entre lui et Athomas et laisse une traînée de flammes derrière lui. Il agrippe le fugitif par l’estomac avec sa grosse main bionique. Un regard de désespoir traverse Athomas, alors qu’il était si près de son but.

La machine le lance comme une balle de baseball au loin, volant par-dessus cinq blocs d’appartement avant de s’écrouler sur une voie principale, détruisant une voiture de police qui passe sur le chemin.

Le corps d’Athomas rebondit dans une ruelle avant d’atterrir sur un conteneur de vidange.

Il reste planté là, quelques secondes. Sa jambe gauche et ses deux bras se sont cassés dans la chute. Pire encore, il ne sent plus sa colonne vertébrale.

C’est à en perdre la tête. Athomas était tellement bien parti, plus proche d’accomplir ce qu’il croit être son devoir pour le futur d’Atmos. En une minute, il est piégé par une arme de destruction massive.

Étant trop loin de sa flaque, et très peu d’énergie restante, il ne reste que cinq boules sanguinaires pour faire quelque chose, n’importe quelle action, tant qu’Athomas reste en vie.

La machine atterrit devant lui, à seulement quelques mètres. Cette bête artificielle est prête à tuer. Cette chose jette sa vision froide et imposante sur le mort-vivant qu’il vient de balancer à travers la ville. Il ne bouge pas, comme s’il attendait quelque chose… ou quelqu’un.

Une voix féminine se fait entendre derrière le robot :

« Je dois être franc, je m’attendais à tout sauf à ça. Un accueil comme toi n’a jamais demandé à apprendre à voler. Pauvre homme. »

Athomas, malgré toute la douleur et l’envie de disparaître, ne peut s’empêcher de se réveiller en stupeur. Il reconnaît cette voix parmi tous les sons environnants.

Une jolie brunette aux lunettes rondes qui empêche de voir ses yeux débarque avec un complet en latex, caché par un long manteau qui arrive juste en haut de ses jambes. Elle se tient à côté de la machine, sans crainte. En retour, le robot ne fait rien pour répondre à son arrivée soudaine.

Athomas juge la demoiselle avec du venin dans les tripes. Ses dents grincent alors qu’il peine à expirer le nom de cette dame qui lui a gâché la vie.

« Ta… Tayla… McKenzie !! »