« Il fut torrent écarlate et l’écarlate se mua en créature de chair. De sa chair naquirent ses membres et ses membres devinrent des outils de créations. De ses mains naquirent la terre, de la terre naquit les arbres ; de son souffle naquit le vent, du vent naquit les volatiles ; de sa salive naquit la mer, de la mer naquit les poissons ; de ses doigts furent forgés les églises, des églises devinrent des refuges ; de son sang naquirent Od et El ; d’Od naquit la discorde et d’El l’union ; des paroles de leur père naquirent les leurs, des leurs naquirent les péchés. » 

Il fut un temps où le monde n’était qu’un torrent écarlate. Il n’y eut ni arbre, ni mer, ni ciel durant de longues décennies. De rien naquit Rodel, dieu miséreux et aimant, qui offrit au néant un tout. Il offrit la vie à la mort et donna la liberté à son sang. Ces premiers enfants furent baptisés en son nom « Od » et « El ». Nés chacun d’une seule goutte de sang de Rodel, ils furent envoyés pour veiller sur ses autres créations, mais le temps passa et ce sang si bienveillant qu’il avait offert se mua en une chose terrible et sombre. 

Od cria, se défoula et réveilla des créations que Rodel avait durement dissimulées aux yeux de tous. Od créa la discorde à travers la création de son père et El, qui demeurait reconnaissant à ce dernier, brava son frère. On dit qu’ils se battirent l’un contre l’autre durant des jours interminables et colorèrent le ciel, la mer et la terre de leurs effusions de sang. De ces multitudes de gouttes naquirent d’autres enfants de Rodel. Le sang de Rodel qui coulait dans les veines d’Od devint impie et maudit lorsqu’il assassina El, versant jusqu’à la dernière petite goutte de son sang. 

Rodel, dieux miséreux et aimant, puni son premier enfant et abandonna ses créations, répugnées par ce qu’il avait finalement engendré. 

« Il fut une terre brune et la terre brune se mua en terre de sang et de tripes. Des tripes naquirent le chaos et les cauchemars, et de ces deux derniers la peur et le chagrin. Du chagrin naquit les combats, des combats naquirent les erreurs ; de la peur naquit l’angoisse, de l’angoisse naquit les erreurs. »